France: désacralisation du tambour parleur des tchaman de Côte d’Ivoire avant son rapatriement

Les autorités françaises vont rapatrier dans les jours à venir, le tambour parleur ou Djidji Ayokwe du peuple tchaman et plus précisément de la communauté bidjan près de la ville d’Abidjan. L’objet a été pillé en 1916 par les français en pleine période coloniale. Une délégation de chefs traditionnels a participé à une cérémonie de désacralisation le 7 novembre pour permettre la restauration de l’objet sacré.

Long de 3,31 mètres et pesant 430 kilos, le Djidji Ayokwe est un tambour mythique utilisé lors des cérémonies traditionnelles et servait aussi de moyen de communication entre les villageois. Il a été un outil de communication très utile à la résistance contre les colons qui venaient réquisitionner les populations. Selon la tradition orale des Tchaman du Goto Bidjan, le tambour a été réquisitionné en 1916, par l’administrateur des colonies Simon. L’autorité coloniale avait du mal à contrôler les peuples de cette partie de la Côte d’Ivoire, car le tambour était le moyen de ces villageois de se prévenir de l’arrivée des troupes coloniales et de se mettre en ordre de bataille. Depuis, des voix s’élèvent pour exiger le retour des objets volés durant la colonisation auprès de leurs propriétaires africains. Des pays européens comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne ont déjà pris des initiatives allant dans ce sens (le retour des objets d’art en Afrique). La France également avait pris la décision depuis l’année passée, de rapatrier le tambour parleur réclamé par les autorités ivoiriennes et en particulier la communauté bidjan. A l’annonce de cette nouvelle, la chefferie traditionnelle de ce peuple de la région d’Abidjan de cette communauté avait salué « un geste fortement historique ».
« Je suis très heureux d’apprendre cette nouvelle. On ne s’attendait même plus à un retour de ce tam-tam qui était notre haut-parleur, notre Facebook » s’est félicité auprès de l’AFP Clavaire Aguego Mobio, actuel détenteur du pouvoir traditionnel des Ebriés. Mais avant de passer à l’acte, les autorités françaises ont organisé une cérémonie rituelle, lundi 7 novembre 2022, pour permettre la restauration de cet objet sacré, au Musée du Quai-Branly, en présence de membres de la communauté bidjan. Avant que ne débute la cérémonie, les chefs traditionnels conviés pour la circonstance ont entonné à l’aide d’un cor et d’un tambour, des chants de guerre, comme le faisaient leurs ancêtres avant de partir au combat, a rapporté RFI. Les membres de la communauté ont entrepris la désacralisation du tambour, en demandant à l’esprit qui est à l’intérieur de se retirer. Ils ont effectué sept fois le tour du Djidji Ayokwe, pour signifier le nombre de villages bidjan. Une libation a également été faite par le chef du plus ancien village bidjan, Cocody village, a ajouté notre source qui souligne que cette cérémonie était nécessaire pour permettre à des mains profanes de restaurer cet objet sacré.
Pour rappel, la Côte d’Ivoire avait officiellement demandé fin 2018 à la France la restitution de 148 œuvres d’art africain. « Le premier objet que nous demandons est le Djidji Ayokwe, le tambour parleur du peuple Ebrié. C’est un objet symbolique d’une grande importance qui a été arraché pendant la colonisation », avait précisé la directrice du musée des civilisations de Côte d’Ivoire, Silvie Memel Kassi.

Lucien DAKISSAGA