Les teintureries historiques d’indigo de Kano menacées de disparition

Depuis plus de six siècles, une vaste zone située dans la ville historique de Kano, dans le nord du Nigeria, abrite des teintureries, où de magnifiques tissus sont fabriqués selon des techniques anciennes. Cependant, l’insécurité, la concurrence et la modernisation menacent cette industrie.

Les teintureries de Kofar Mata, à Kano, deuxième ville du Nigeria, ont longtemps fait la richesse de cette ville.  Établies au tournant du XVIe siècle, elles étaient autrefois une source de revenus pour des milliers de personnes de la région. Les tissus indigo sont depuis longtemps vendus en Afrique et au Moyen-Orient.

Les motifs uniques de ces tissus sont généralement créés par les femmes, qui tordent et nouent le tissu chez elles en différentes formes pour produire les motifs. Les tissus noués sont ensuite confiés aux teinturiers. Mais beaucoup s’inquiètent de voir cette industrie menacée. « La jeune génération ne veut pas se joindre aux teinturiers », s’est plaint Baba Muhammad, un teinturier de 75 ans cité par  BBC. Il craint d’être l’une des dernières personnes à pratiquer cet ancien rituel, les jeunes ayant des goûts plus modernes.

« Ils préfèrent se lancer dans les affaires, ils aiment concevoir les tissus, mais pas les teindre », a-t-il déploré.

L’insécurité

L’industrie de la teinture artisanale de Kano souffre de l’insurrection islamiste de Boko Haram. La menace djihadiste a entraîné une raréfaction des clients, notamment ceux qui voyagent dans le nord-est du Nigeria, où les militants islamistes sont actifs. L’insécurité intimide à la fois les touristes et les investisseurs. Les ambassades étrangères installées à Abuja déconseillent à leurs ressortissants de se rendre à Kano. « Avant, les touristes venaient ici en permanence, en provenance du monde entier : La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Amérique – mais le problème de l’insécurité dans le nord du Nigeria a affecté le commerce », a expliqué Baballiya Hamisu, l’un des plus jeunes teinturiers (37 ans), cité par notre source.

La concurrence étrangère et modernisation de Kano

Mis à part l’insécurité, la teinturerie de Kano souffre également de la concurrence des tissus importés, qui ont entraîné la fermeture de nombre d’usines.

A en croire les  teinturiers, bien que les prix soient relativement les mêmes, la concurrence est rude, de nombreux clients étant attirés par les nouveaux modèles modernes.

Aussi, Kano fait partie des villes à la croissance la plus rapide d’Afrique subsaharienne. Durant ces dernières années, elle a été le théâtre de démolitions très controversées d’un certain nombre de ses sites historiques, démolitions jugées nécessaires par le gouvernement, qui veut en faire une ville moderne, a rapporté BBC.

Les teinturiers espèrent toujours que leur industrie brille à nouveau comme avant. Ils demandent un soutien du gouvernement, afin de pouvoir préserver cette richesse historique de Kano. « Si le gouvernement peut acheter nos produits et encourager les gens à faire de même, nous prospérerons », a expliqué le teinturier Baballiya Hamisu.

« Imaginez que le président ou un gouverneur porte l’un de nos tissus Kofar Mata, peu importe la valeur qu’il semble avoir, il deviendra précieux », a-t-il ajouté.

Line Rose