Situation au Niger : « une intervention militaire serait d’ouvrir la porte de l’enfer pour la sous-région dont la fermeture sera difficile », Raphaël Yonli

Raphaël Yonli, président du mouvement Jeunesse-Réveille Toi

La sous-région ouest-africaine connaît des bouleversements politiques ces dernières années avec l’arrivée au pouvoir des régimes militaires. L’insécurité est le premier facteur justificatif des régimes d’exception. La crise sécuritaire touche, plus la frange jeune qui compose l’essentiel de la population de cet espace. La rédaction du Quotidien Numérique d’Afrique dans le but de permettre aux jeunes de s’exprimer sur des questions qui leur touchent directement, a décidé de tendre son micro au jeune leader, Yonli Raphaël. Il est le président du mouvement Jeunesse-Réveille Toi. Il s’est prononcé sur la situation au Niger et l’intervention militaire envisagée par la CEDEAO dans ce pays et les conséquences que cela pourrait engendrer dans l’espace ouest-africain.

1) La sous-région est actuellement bouleversée par les événements en cours au Niger. Pensez-vous qu’une option militaire comme le souhaite la CEDEAO pour rétablir Mohamed Bazoum au pouvoir pourrait résoudre la crise actuelle dans le pays ?

Yonli Raphaël (YR): nous, en tant que jeunes du Mouvement Jeunesse-Réveille Toi, notre position est claire sur la situation en cours dans le pays. Nous soutenons le putsch du général Tchiani, que nous qualifions de salvateur dans le sens où les premières sorties du général et ses camarades s’inscrivent dans notre vision des choses pour notre sous-région. C’est-à-dire face aux problèmes communs, des actions communes. Pour ce faire, en tant qu’organisation de la société civile, nous avons été parmi les premiers à lancer une mise en garde contre la CEDEAO s’agissant de l’option militaire dont elle compte faire recours pour restaurer le pouvoir déchu. Avec l’arrivée des nouvelles autorités dans ce pays, nous avons de l’espoir qu’il s’agit d’une nouvelle page qui s’ouvre au Niger pour une vraie indépendance.

2) La jeunesse sahélienne est de plus en plus engagée et n’hésite pas à montrer sa colère vis-à-vis de la CEDEAO et la France. Selon vous, quelles sont les causes de cette colère et quelles pourraient être les conséquences d’une intervention militaire sur la vie des jeunes de cette partie de l’Afrique ?

YR: tout d’abord, nous saluons le courage des présidents Ibrahim Traoré et Assimi Goita pour leur soutien au peuple nigérien. Pour nous, la CEDEAO dans son état actuel ne représente pas les aspirations des peuples africains. Plutôt, l’institution sous régionale s’est constituée en une sorte de ‹‹ syndicat des Chefs d’État ›› qui ne défend que les intérêts de ces derniers. Personne ne pourra truquer l’histoire du panafricanisme, car les trois transitions convergent vers le même idéal et pour cela, nous les jeunes nous sommes décidé à militer pour ramener la CEDEAO vers cet idéal des pères fondateurs de l’institution. La France ne veut pas perdre le Niger qu’elle considère comme son pré carré à cause de l’uranium etc. Une perte du Niger aura des conséquences géopolitiques et géostratégiques pour l’hexagone raison pour laquelle, elle est prête à appuyer l’intervention militaire sous l’égide de la CEDEAO. Mais, une intervention militaire au Niger sera comme ouvrir les portes de l’enfer pour toute la sous-région et cela entraînera par ricochet des mouvements migratoires vers l’Europe. Nous constatons déjà, la souffrance de nos frères qui souhaitent rejoindre l’Europe dans le désert libyen à cause du chômage qui gangrène nos différents pays. Le coût de la guerre pèse déjà sur le budget de nos Etats respectifs et nous nous posons la question de savoir si les dirigeants ouest-africains ont pesé les conséquences d’une telle intervention sur les jeunes dans les années à venir d’autant plus que beaucoup de rapports et d’études ont révélé que c’est le chômage qui a entraîné la majorité de nos compatriotes dans le terrorisme. En conclusion, nous disons que l’intervention militaire de la CEDEAO n’est pas envisageable au Niger, car ce serait ouvrir la porte de l’enfer dont la fermeture serait très difficile.

3) On reproche à la CEDEAO d’être restée silencieuse depuis des années face aux groupes terroristes et les rebelles. Aujourd’hui elle est prête à monter une armée pour restaurer la démocratie. Est-ce à dire que nos Chefs d’État ont failli à leur mission première qui est la protection de la vie et des biens des citoyens ?

YR: la question de l’égalité du traitement des dossiers de chaque pays qui compose la CEDEAO reste un problème. Quand il s’agissait de la Côte d’Ivoire où Alassane Ouattara a modifié la constitution pour briguer un troisième mandat, l’institution est restée bouche bée. Aujourd’hui, au Sénégal, nous voyons la situation avec le retrait de l’opposant Ousmane Sonko dans le liste électorale, on constate toujours un silence de la part de l’institution. Au regard de tout cela, nous nous disons que quand il s’agit de défendre les intérêts égoïstes des dirigeants africains et leurs alliés occidentaux, la CEDEAO est vent debout, mais s’agissant de son objectif premier qui est de défendre l’intérêt des peuples africains, elle est silencieuse. Et pire, elle est contre les leaders qui sont prêts à défendre nos intérêts soit disant que ce sont des putschistes. Mais, nous sommes décidés à défendre les militaires tant qu’ils porteront nos aspirations partout dans le monde. L’institution sous régionale est muette face au terrorisme, mais rougit quand il s’agit des putschs. Mais, elle oublie que la succession des coups d’État n’est que la conséquence de la mauvaise gouvernance. Le terrorisme sévit au Sahel depuis des années, mais la CEDEAO n’a pas posé des actes qui se sont révélées salvatrices pour nos populations. Les coups d’État que le Sahel a enregistré ces dernières années sont des putschs salvateurs car, elle vise à lutter contre le terrorisme sans sous-traiter notre sécurité avec des partenaires qui ont déjà enregistré des échecs dans de pareilles circonstances dans d’autres contrées et même au Sahel.

4) votre dernier mot svp

YR: à ce stade de notre lutte pour les actions panafricaines face aux défis communs qui lient nos Etats sahéliens, c’est d’inviter les jeunes à plus de veille citoyenne et rester mobilisés. C’est aussi, une occasion pour moi, de dire aux jeunes Nigériens qu’ils ont le soutien de la jeunesse burkinabè dans son ensemble.

Propos recueillis par Lucien DAKISSAGA