Benin : Patrice Talon : l’homme d’affaire devenu président


Patrice Talon, né le 1er mai 1958 à Ouidah, est un homme d’affaires et homme d’État béninois, président de la République depuis le 6 avril 2016. Patrice Talon a fait fortune dans la filière des intrants agricoles dans les années 1980, puis de l’égrenage du coton au Bénin au cours des années 1990 et 2000. Soutien principal à l’élection du président béninois Boni Yayi en 2006, il entre progressivement en disgrâce avec ce dernier à partir de 2011. Les démêlés qu’il a avec le chef de l’État dans les affaires de subventions agricoles, du programme de vérification des importations (PVI) mais qui n’ont jamais connu de plainte officielle devant un tribunal ont fini par le contraindre à l’exil à la suite de rumeurs d’enlèvement. Il figure au 15e rang des plus grandes fortunes d’Afrique subsaharienne francophone dans le classement Forbes de 2015. Son patrimoine y est estimé à 401 millions de dollars. Il remporte l’élection présidentielle du 20 mars 2016. Son adversaire, le Premier ministre sortant Lionel Zinsou reconnaît sa défaite le soir même de l’élection. Il est investi président de la République du Bénin le 6 avril 2016 à PortoNovo.

Né d’un père cheminot natif d’Ouidah et d’une mère issue de la famille Guedegbe d’Abomey, Patrice Talon est marié à Claudine Gbènagnon, née à Porto-Novo, avec qui il a eu deux enfants du nom de Lionel et Karen Talon. Après un baccalauréat série C obtenu à Dakar, la capitale sénégalaise, il entre à la faculté des sciences de l’université de cette ville. En deuxième année de mathsphysique, Patrice Talon, qui depuis l’enfance est obsédé par les avions, réussit au concours de pilote de ligne d’Air Afrique et envoyé à la base aérienne de Digne, en France, pour la visite médicale. C’est à ce niveau que malheureusement son rêve d’enfance se brise puisqu’il est recalé pour « inaptitude moteur ». Il s’installe alors à Paris, où ses aptitudes dans les affaires (qu’il pratiquait depuis le collège avec des petits trafics de pièces détachées au Nigeria) lui ouvrent très rapidement les bonnes portes. Il entre en 1983 dans l’activité de négoce des emballages et des intrants agricoles. Il crée en 1985 la Société de distribution intercontinentale (SDI), qui fournit des intrants agricoles aux producteurs de coton. En 1990, à la suite des recommandations de la Banque mondiale dans le cadre de l’accord de libéralisation économique mis en place dans les États ouest-africains, le Bénin était appelé à se désengager de la filière de la production de coton ; Patrice Talon gagne alors le marché d’implantation de trois usines d’égrenage de coton au Bénin. Il devient ainsi un acteur incontournable du coton béninois malgré l’installation progressive de plusieurs concurrents privés mais nettement moins bien organisés.

 D’où vient sa richesse ?

Depuis 1985, Patrice Talon a mis en place progressivement un tissu industriel d’envergure sous la coupole de la holding SFP (Société de financement et de participation) basée au Bénin. Cette holding est majoritaire dans les filiales béninoises. En 2008, Patrice Talon obtient auprès du gouvernement de son ami Boni Yayi, le rachat des 10 usines d’égrenage encore sous contrôle étatique, ce qui fait du groupe Talon de facto un quasi-monopole de la filière coton avec 15 usines sur 18 au total. En 2011, indépendamment à la filière coton, Patrice Talon obtient du gouvernement le juteux marché du programme de vérification des importations (PVI). Mais à peine les activités du PVI démarrées, les relations se brouillent entre l’homme d’affaires et le président Yayi. Ce dernier l’accuse soudainement de mauvaise gestion non seulement dans le PVI mais dans toutes ses affaires, alors même que Patrice Talon est le soutien financier du président. Le PVI est brutalement retiré sans dédommagement à Patrice Talon, la SODECO est réquisitionnée par l’État et il est reproché à Patrice Talon d’avoir fraudé sur les subventions d’engrais de la campagne 2011. Les démêlés s’accumulent et à la suite de fuites l’informant d’un projet d’enlèvement, Patrice Talon est contraint de s’enfuir et de se réfugier à Paris. Le président Yayi l’accuse alors d’avoir fomenté depuis son exil un coup d’État visant à l’empoisonner. Patrice Talon rétorque qu’il n’en est est rien et qu’en réalité Yayi cherche à lui nuire depuis qu’il a refusé de supporter sa tentative de réviser la Constitution béninoise aux fins d’obtenir un troisième mandat.

D’homme d’affaires, il passe à homme politique En 2015, l’affaire est classée, il peut rentrer au Bénin et se lancer en politique, avec des idées telles que le mandat présidentiel unique et la consolidation de la république, et le surnom de « compétiteur né ». Candidat à l’élection présidentielle de 2016, il se présente comme candidat de la rupture et de la justice indépendante. Il annonce ne briguer qu’un seul mandat de cinq ans (il souhaite inscrire cette limitation dans la constitution). Au premier tour, il arrive en seconde position juste derrière le Premier ministre sortant Lionel Zinsou. Le soir du 20 mars, grâce notamment au soutien de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon, arrivé troisième au premier tour, Patrice Talon remporte le second tour de la présidentielle (65,37 % contre 34,63 %), Lionel Zinsou reconnait sa défaite. Homme d’affaires avant d’être politicien, il applique depuis plusieurs mois « sa » méthode afin de redresser le pays, malgré les contestations.

 Wendmanegré. O/QNA