
Alors que la famille de Norbert Zongo commémore aujourd’hui le 21è anniversaire de son assassinat, la justice n’a toujours pas fini d’examiner le dossier et situer les responsabilités. Cet évènement tragique en 1998 a secoué d’une manière inestimable le pays des hommes intègres. Nous vous proposons un retour sur les évènements.
Trois corps sans vie près d’un Land Cruiser Toyota calcinés. Tel est le premier constat des policiers et des témoins du tragique incident le 13 décembre 1998 sur la nationale 6, près de Sapouy. Selon les forces de sécurité et de témoignage, aucun indice sur les lieux n’indiquait un accident, mais plutôt un assassinat. En effet, c’est le quatrième cadavre, retrouvé gisant tout près du véhicule, qui a mis la police sur la piste du ou des criminels ; deux douilles sont retrouvées près de lui. Après une autopsie, il a été révélé que la cause du décès de Blaise Ilboudo, Ablassé Nikiéma et des frères Zongo, qui se rendaient à un ranch, n’était ni la fumée ni les flammes. Mais plutôt qu’ils ont été tués par balle avant que leurs corps ne soient par la suite brûlés. L’annonce de ce drame a traversé le pays comme une trainée de poudre en ce sens que figurait parmi les corps le journaliste Norbert Zongo, une figure de l’opposition à Blaise Compaoré et directeur de l’hebdomadaire l’Indépendant. Chacun y va de son interprétation pour comprendre les faits.

Un tollé pour les OSC et la vie politique
Cette situation déclenche une mobilisation sans précèdent dans le pays et suivront les manifestations et grèves des membres de la société civile et des étudiants. Sous la pression populaire, le régime de Blaise Compaoré vacille et le gouvernement crée une Commission d’enquête indépendante (CEI) censée faire la lumière sur le quadruple assassinat. Plusieurs « suspect sérieux » membres du RSP (ex-régiment de sécurité présidentiel) ont été désignés dont le chef de ce dernier, Gilbert Diendéré. Suite aux enquêtes en 2001, un militaire a été inculpé pour assassinat et incendie volontaire. Il s’agit de l’adjudant Marcel Kafando, qui bénéficiera par la suite d’un non-lieu en 2006 après la rétractation de l’un des témoins. Dans le même année, Reporters Sans Frontières a affirmé que le rapport de la CEI était purgé d’éléments accusant François Compaoré, et la Commission désignait aussi six « suspect sérieux », à savoir : l’adjudant Marcel Kafando (décédé), Edmond Koama, Ousseni Yaro (décédé), Wempasba Nacoulma, Christophe Kombassere et Banagoulo Yaro. La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples s’est à son tour saisie de l’affaire en 2014 en vue de mettre en évidence les zones d’ombres de l’instruction.
Il a trouvé la mort sur la route de l’investigation
Pour certains, l’homme reste une icône dans le domaine du journalisme et particulièrement celui de l’investigation. En effet, après une carrière d’enseignant dans les années 1970, il a viré durant la période sankariste vers le journalisme. Après 10 ans dans le domaine de la presse, il fonda en 1993 son propre journal dénommé « l’indépendant » à caractère hebdomadaire. A travers ses écrits, il dénonce les régimes africains autoritaires et corrompus, révélant ainsi de sombres affaires impliquant des proches de l’ancien président Blaise Compaoré. Du reste, il condamne la politique de « rectification » appliquée après la Révolution burkinabè et l’assassinat de Thomas Sankara en 1987. Très vite son chef-d’œuvre gagne une grande renommée avec plus de 15 000 exemplaires par semaine. Connu et apprécié pour les enquêtes, le journal devient une source de gêne pour le régime. Ainsi, plusieurs leaders de la société civile et observateurs ont lié l’assassinat de Norbert Zongo et celui de ses compagnons à une enquête, entamée depuis presque un an. Ecrivant sous le pseudonyme de « Henri Sebgo » en 1998, il travaillait sur l’incarcération arbitraire de David Ouédraogo au Conseil de l’Entente, une caserne militaire. Ex-chauffeur personnel de François Compaoré, (le frère cadet du président), le jeune homme avait été accusé de vol à l’encontre de Salah Compaoré, la femme de ce dernier. Journaliste engagé, Norbert Zongo a condamné l’incarcération de David Ouédraogo au Conseil et demandé que la lumière soit faite sur l’affaire. Quelques jours après, soit le 18 janvier, David Ouédraogo meurt à l’infirmerie du Conseil suite à sa maladie, selon les responsables des lieux. Mais trouvant les circonstances de sa mort floues, Norbert Zongo décide d’approfondir ses investigations pour trouver les coupables et révéler la vérité. Mais cette vérité, l’homme ne le saura jamais car le 13 décembre 1998 le cours de la vie en décidera autrement.
Par N. Judith SANOU