Burkina Faso : La CGT-B dénonce des « réformes hasardeuses dégradant la qualité de l’enseignement »

Bassolma Bazié, SG de la CGT-B

Ceci est une déclaration de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B) sur la crise née des réformes dans le système des examens.

La CGT-B suit avec beaucoup d’attention l’évolution de la situation au niveau du système éducatif marquée depuis mars 2021 par les manifestations des élèves sur toute l’étendue du territoire national.

Vis-à-vis de ces manifestations, nous observons deux types d’attitudes :

  • d’une part des attitudes de désapprobation, de condamnation venant d’individus et d’organisations qui considèrent pour la plupart que les élèves n’ont pas d’avis à donner sur les réformes du système éducatif ;
  • d’autre part, des attitudes de soutien aux élèves et à leurs organisations en considérant que les réformes annoncées vont contre les intérêts des élèves et des parents d’élèves.

C’est pourquoi, pour notre centrale, il est nécessaire d’apprécier lesdites réformes ainsi que la gestion qui est faite de cette crise par l’autorité pour dégager une position objective.

A propos des sujets uniques de SVT et d’Histoire-Géographie

Pour le ministre OUARO et sa suite, cette réforme devrait permettre d’améliorer les taux de réussite à l’examen du BEPC ! Sans entrer dans les considérations techniques, nous disons simplement que le bon sens commande que l’administration de deux sujets au choix au lieu d’un sujet soit perçue comme plus avantageuse pour les candidats.

En outre, une réforme opérée en pleine année scolaire pour s’appliquer la même année pose de toute évidence un problème majeur de forme et même de fond puisque les élèves ne sont nullement préparés au nouveau type d’épreuve qui va leur être administré. D’ailleurs, les élèves ne demandent pas que le contenu des sujets d’examen soit revu mais que soit maintenue la possibilité qui leur a été offerte jusque-là de bénéficier de deux sujets au choix dans les épreuves de Sciences de la vie et de la terre et d’Histoire et géographie.

A l’occasion des débats, le ministre et sa suite soutiennent qu’il n’y a pas lieu de considérer l’opinion des apprenants. Faut-il leur rappeler que nous sommes au 21ème siècle et que les sciences de l’éducation, sur la base des études et recherches des spécialistes, recommandent l’implication des apprenants à tous les niveaux. Les impliquer ne signifie nullement que ce sont eux qui vont déterminer comment ils doivent être enseignés ou évalués mais qu’ils doivent être sensibilisés et consultés sur les réformes qui leur seront appliquées.

A propos du transfert de l’organisation du BAC au MENAPLN

Il s’agit là d’une mesure qui est présentée comme étant seulement administrative alors qu’elle dissimule des desseins politiques majeurs. Dans ce sens, il convient de rappeler que déjà en 1999, conformément aux instructions du Fonds Monétaire International(FMI) et de la Banque Mondiale(BM) qui dans le cadre des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) exigent de nos Etats la diminution des dépenses publiques dans les secteurs sociaux comme l’éducation, le gouvernement avait tenté une réforme du bac baptisée alors « Bac OCECOS ».

Il a fallu la résistance organisée par le SYNTER (aujourd’hui F-SYNTER) et d’autres organisations notamment d’élèves et d’étudiants pour faire échec à ladite réforme. Celle qu’envisage le gouvernement MPP s’inscrit dans cette orientation de la Banque Mondiale et vise notamment à restreindre l’accès des étudiants à l’université publique en contingentant désormais cet accès.

C’est d’ailleurs ce que le pouvoir a déjà réussi au niveau du supérieur avec le système Licence Master Doctorat (LMD) qui fait de la licence un diplôme de fin de cycle. Il en résulte qu’aujourd’hui, à peine 20% des étudiants qui obtiennent la licence peuvent accéder aux études en master.

C’est pour cette raison qu’en son temps, la CGT-B et l’UAS avaient dénoncé ce LMD et exigé sa suspension. Mais comme d’habitude, le gouvernement est passé outre et a imposé ses mesures, comme le pouvoir COMPAORE l’avait fait pour d’autres mesures impopulaires telles que le passage systématique en classe supérieure au primaire (même avec des moyennes de moins de 2 sur 10), la limitation des redoublements, le système de double flux, du continuum éducatif, etc.

En faisant du baccalauréat le dernier diplôme du secondaire, le gouvernement cherche à se désengager de l’organisation des études supérieures pour les élèves qui réussissent au BAC. Son empressement à dire que rien ne changera cette année indique bien que pour les années à venir, l’accès à l’université sera contingenté et ceux qui tiennent à poursuivre leurs études devront s’adresser au privé et payer le prix qu’il faut.

Du reste, cette démarche est aussi conforme aux conclusions de la convention des universitaires et experts associés du MPP tenue du 19 au 20 août 2016 qui recommandait en outre le relèvement des frais d’inscription dans les universités publiques de 15 000 à 100 000 F CFA !

On comprend aisément alors l’inquiétude des élèves, eux qui seront les victimes directes des réformes, leur organisation et mobilisation massive sur l’ensemble du territoire, en vue de poser leurs préoccupations légitimes liées à leur avenir.

 A propos de la répression et de l’existence légale de l’AESO

En lieu et place d’une recherche de solution aux problèmes que posent les élèves, le gouvernement, avec M. OUARO à la manœuvre, a opté d’organiser un passage en force en réprimant dans le sang les élèves : usage disproportionné de la violence ayant fait à ce jour un (01) décès, de nombreux blessés que les autorités et leurs supporters tentent de dissimiler et de minimiser par rapport aux dégâts matériels sur lesquels ils focalisent l’attention.

A cela, il faut ajouter la fermeture jusqu’à nouvel ordre, du Lycée Philippe Zinda KABORE par le conseil des Ministres du 24 mai 2021. Cette répression barbare n’a pas épargné les travailleurs de l’éducation qui ont, dans de nombreux établissements, été gazés jusque dans les salles de professeurs.

Les morts et blessés n’émeuvent pas en réalité le pouvoir, lui qui ne se gêne pas de féliciter les FDS pour leur ‘’professionnalisme’’ dans la répression des élèves.

A quelles échelles de valeurs se réfèrent les autorités de ce pays soutenues activement par une association fantoche de parents d’élèves, pour considérer qu’il est « normal et professionnel » qu’un maintien de l’ordre face à des manifestations pacifiques d’élèves se solde par des morts et de nombreux blessés ? Qu’y a-t- il de plus précieux que la préservation de la vie de nos enfants ?

Au lieu de chercher à rencontrer l’AESO, alors même que le SG du MENAPLN a reçu le 29 mars 2021 la même organisation en son nom à l’issue d’une marche couverte par les organes de presse, M. OUARO a passé le temps à s’informer sur le récépissé de l’organisation. Il s’affiche comme le républicain qui, face à une crise porteuse de graves risques, se soucie d’abord de vérifier l’existence légale de l’organisation qui mobilise sur le terrain !

Ce à quoi nous assistons actuellement est très grave ! Depuis que le gouvernement MPP a eu une claire conscience de son échec face à la résolution des légitimes revendications des populations, l’utilisation de la violence policière aveugle fondée sur la négation des droits et libertés, le refus obstiné de se soumettre aux décisions de justice, le refus de nouer le dialogue avec les structures représentant ces populations, sont devenus des principes de gouvernement.

Clairement, derrière les phrases et le verbiage sur la démocratie et la « réconciliation nationale », se cache une volonté de plus en plus manifeste de fouler au pied l’Etat de droit. Avec l’assassinat des élèves sous prétexte de maintien d’ordre et sa justification publique et officielle, les citoyens doivent savoir maintenant à quoi s’en tenir avec ce régime. Il faut en tirer toutes les conséquences. C’est pourquoi la CGT-B :

  • dénonce la politique éducative menée dans notre pays avec ses nombreuses réformes hasardeuses dégradant la qualité de l’enseignement et rendant l’accès à l’éducation toujours plus difficile;
  • dénonce la violence policière et la criminalisation des luttes des populations et en l’occurrence celles des élèves, ainsi que la barbarie qui a caractérisé les interventions des FDS et la légèreté avec laquelle le pouvoir présente et gère la répression abattue sur les élèves. La relaxe des élèves arrêtés à la suite du procès du 31 mai 2021 souligne le caractère arbitraire des arrestations opérées par les CRS ;
  • condamne les assassinats d’élèves et la banalisation de la vie humaine ;
  • soutien et félicite les élèves pour leur clairvoyance, leur courage et leur détermination ;
  • exprime sa solidarité aux travailleurs de l’éducation, victimes collatérales des dérives répressives de la part des FDS ces derniers temps. Elle interpelle les travailleurs et plus généralement les parents d’élèves sur l’intérêt qu’ils doivent porter à la lutte des élèves et la nécessité de les soutenir.

Elle invite ses structures de base, les responsables à tous les niveaux à mener le travail de sensibilisation et de mobilisation autour de la répression contre les élèves mais aussi sur toutes les forfaitures qu’accumule le pouvoir MPP (vie chère, attaque contre les droits et acquis des travailleurs, mépris des organisations syndicales, corruption, incompétence, …). Plus que jamais, nous devons appliquer le mot d’ordre de l’unité entre élèves, étudiants et travailleurs en vue :

  • d’exiger la cessation de la répression contre les élèves, l’identification des auteurs des tirs contre les élèves et la traduction en justice des commanditaires de la répression ;
  • de faire barrage à ces multiples mesures annoncées qui vont durcir davantage les conditions de vie et de travail tout en approfondissant la crise du système éducatif.

Non à la destruction du système éducatif !

Non à la violation des droits et libertés des citoyens !

Vive l’unité d’action entre élèves, étudiants et travailleurs !

Vive la CGT-B !

Unité-Solidarité-Action !

Bassolma BAZIE 

Secrétaire Général Confédéral