BURKINA FASO : L’insécurité croissante et la flambée de la violence inquiètent

Les burkinabé résidant dans le sahel ne savent plus à quel saint se vouer face aux multiples attaques terroristes

L’attaque contre une église protestante dans la province de Soum au Burkina Faso le dimanche 05 mai 2019, qui a fait six morts, marque un tournant dans la lutte contre le terrorisme menée par ce pays de l’Afrique de l’Ouest. La fusillade, la première du genre, a eu lieu quelques jours après qu’une demi-douzaine de personnes aient été tuées par des assaillants dans une autre région du pays.
Au cours des trois dernières années, le Burkina Faso a été le théâtre d’une série d’attaques spectaculaires. Certaines ont été perpétrées dans la capitale Ouagadougou, où des djihadistes ont attaqué le restaurant Cappuccino et le Splendid Hôtel. « Chaque jour, il y a une nouvelle attaque », a déclaré Leslie Varenne, directrice de l’institut IVERIS des relations internationales et stratégiques à Paris. « Même si elles sont plus petites et causent moins de victimes, nous sommes confrontés à une véritable guerre », a-t-elle exposé à RFI. Maintenant, les attaques se propagent au centre-nord et au centre-est. La fusillade du dimanche 05 mai 2019 dans la ville de Silgadji, près de Djibo, la capitale de la province de Soum, dans la région du Sahel, est la première attaque contre une église depuis que la violence sectaire a éclaté dans le pays il y a quatre ans.
Les écoles et les églises sont devenues les nouvelles cibles
Cette attaque a eu lieu quelques jours après celle d’une école qui a coûté la vie à cinq personnes. Elle a été suivie d’une descente armée dans un commissariat de police et un hôtel de ville à Gorgadji, également dans la région du Sahel au Burkina Faso. Aucune de ces attaques n’a été revendiquée, mais elles s’intensifient. « Je pense que nous devrions absolument être concernés », estime Sten Hagberg, professeur d’anthropologie culturelle à l’université d’Uppsala en Suède. « Ce qui est très inquiétant, c’est que ce ne sont pas les forces de sécurité et de défense civile qui sont visées, mais bien les enseignants, les chefs religieux, les conseillers municipaux. C’est maintenant une cible pour les civils et c’est bien sûr extrêmement inquiétant, base d’une société décente », a-t-il confié à RFI. La violence croissante peut être liée à une opération de nettoyage menée récemment à l’est du pays par les autorités. Le ministre de la Défense, Chérif Sy, joue un rôle très actif en essayant de repousser différents groupes armés, qu’ils soient terroristes ou non. Pour Varenne, toutefois, ces attaques contre les « symboles de l’État » mettent en lumière l’incapacité des autorités à maîtriser la situation. Les policiers ont déserté ces points chauds, l’armée est partie, les hôpitaux ont fermé, la stratégie des groupes armés pour chasser le gouvernement fonctionne. Mais au lieu de déserter, l’État doit investir dans ces domaines, pas abandonner le navire.
Une crise humanitaire croissante
L’insécurité et la violence ont forcé des milliers de personnes à fuir en raison du manque de soins et de services de base. Selon l’ONU, près de 136 000 personnes ont été déplacées de chez elles, plus de la moitié d’entre elles ont été déplacées depuis le début de 2019. Environ 11 000 personnes ont également fui vers le Mali voisin pour des raisons de sécurité. Cependant, avec les problèmes d’insécurité propres à Bamako, il est peu probable que ce soit une solution sûre. Alors, quelles sont les options, le cas échéant, pour une issue ? Limiter les conflits intercommunautaires est un début. Selon Hagberg, très souvent, les populations peules sont considérées comme le groupe ethnique dans lequel sont recrutés de nombreux terroristes. Et les tensions entre agriculteurs et éleveurs sur l’accès à la terre sont exploitées par différents groupes terroristes. Une autre solution est un État fort. « Je dirais renforcer les pouvoirs publics burkinabés, la société civile, faire intervenir directement une organisation internationale, peut-être que le G5 est une solution » martelait Varenne qui reste tout de même sceptique quant à l’efficacité des interventions extérieures. Le G5 n’a pas encore été déployé et l’opération française Barkhane a été réorientée au Mali, où la mission de maintien de la paix de l’ONU s’est révélée inefficace. Aucun des gouvernements ou des institutions internationales n’a compris à quel point la menace qui pèse sur le Sahel est grave. Si le Burkina Faso tombe, c’est l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest qui risque de souffrir de l’extrémisme violent.
Wendmanegré. O/QNA