Burkina Faso-Mali: Négocier avec les djihadistes, une option à ne pas exclure, selon certaines communautés

Pour certaines communautés du Mali, mais aussi quelques-unes de la région des trois frontières, la résolution des conflits intercommunautaires nécessite à quelque part une négociation avec les groupes armés. Comme ce qui a conduit à des accords entre Peuls et Dogon, au centre du Mali, courant janvier 2021.

Les communautés du centre du Mali semblent s’être lassées des conflits intercommunautaires qui caractérisent leur quotidien depuis plusieurs années. En témoignent les initiations de négociations avec les groupes armés, avec l’appui d’une ONG suisse Centre pour le dialogue humanitaire. En effet, les groupes armés peuls et dogons du cercle de Koro, district du Mali frontalier avec le Burkina Faso ont décidé de mettre fin au conflit. Plusieurs accords allant dans ce sens ont été signés le 12 et 24 janvier dernier, à en croire l’ONG suisse. « En signant ces accords, ces communautés témoignent de leur lassitude face au conflit », peut-on lire dans un communiqué d’Abdelkader Sidibé, chef de mission de l’ONG suisse et chef de la médiation entre les communautés peules et dogon, cité par TV5 Monde. A l’en croire, les deux communautés se sont engagées à œuvrer pour la paix, à garantir la libre circulation des personnes, des biens et du bétail et à respecter les us et les coutumes.Selon Niagalé Bagayoko, chercheuse, spécialiste des questions de sécurité dans le Sahel, des initiatives, notamment des négociations semblent également avoir été menées dans la région de Djibo au Burkina Faso. Cela a abouti à une certaine accalmie, a constaté la chercheuse. Toujours selon Niagalé Bagayoko, le Premier ministre burkinabé Christophe Joseph Marie a évoqué la possibilité d’engager éventuellement des discussions avec les groupes djihadistes, en réponse à la question d’un député le 5 février dernier.

Plusieurs morts dans les conflits intercommunautaires en 2020

L’année 2020 a été une année particulièrement meurtrière pour les civils dans la région de Mopti. Et pour cause, la multiplication des affrontements entre les Peuls, et les ethnies bambara et dogon, qui ont créé leurs « groupes d’autodéfense ». Selon l’ONG Armed and Conflict Location and Event Data Project (Acled), cité par TV5 Monde, 1592 décès liés au conflit ont été enregistrés durant l’année 2020 dans la région de Mopti, un record. Dans les 11 communes du cercle de Koro, qui ont signé les accords de paix, plus de 728 personnes sont mortes dans des conflits intercommunautaires de 2017 à 2020. Selon plusieurs experts en djihadisme, la marginalisation des peuls aussi bien au Mali qu’au Burkina Faso a conduit à leur enrôlement massif dans les groupes djihadistes, où ces derniers se sentent protégés. Selon Bakary Sambe, universitaire, spécialiste du Sahel et directeur du Timbuktu peace Institute à Dakar au Sénégal, la résolution des conflits intercommunautaires dans la région des trois frontières est l’une des conditions de la fin de la violence. Ce qui sous-entend un dialogue, une négociation entre les différentes communautés, une négociation avec les groupes armés. Pourtant, la France qui joue un rôle majeur dans la lutte contre le terrorisme au Sahel refuse toute négociation avec les groupes armés. Le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré était également opposé aux négociations avec les djihadistes. Surement que de nouvelles directives sur la gestion des violences au Sahel émaneront du Sommet de N’Djamena qui réunit les membres du G5 Sahel les 15 et 16 février.
Line Rose