Burkina Faso / Opération caisses vides du SYNTSHA : Les effets commencent à se faire sentir

Burkina Faso / Situation nationale : Le mouvement M21 appelle au dialogue

Les travailleurs de la santé ont entamé une nouvelle forme de leur mouvement d’humeur : « l’opération caisse vide ». La nouvelle mesure du syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale est entrée en vigueur depuis le 7 juin 2019. Plus d’un mois après, quelle est la réalité de son application sur le terrain ? comment certains services font face à la mesure ? jusqu’à quand l’Etat va-t-il tenir dans ce bras de fer ? Un tour au CHU Yalgado Ouédraogo, à l’hôpital Bogodogo et au CHU Charles de Gaulle nous a permis de constater que ces centres de santé de référence sont confrontés à de graves difficultés empêchant ainsi leur bon fonctionnement.
Plus d’un mois après le lancement du mouvement « opération caisses vides », décrété par le syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA), le constat est peu reluisant. A l’hôpital Yalgado, le vendredi 12 juillet dans la matinée, rien de particulier dans les prestations malgré le mouvement. Les patients viennent, font leurs examens et repartent tranquillement. Mais la véritable question est de savoir s’ils déboursent un sou pour se faire soigner. A cette question, difficile d’avoir un consensus. Si pour le SYNTSHA, l’opération se mène à succès, pour les responsables de l’hôpital les patients mettent la main à la poche pour se faire soigner. Cathérine Somé, une des patientes qu’on a rencontré sur place dit avoir déboursé la somme de 7000 francs CFA pour la radio et 40 000 francs CFA pour le scanner. Pour essayer de comprendre la situation, nous avons approché le secrétaire général de la sous-section SYNTSHA de l’hôpital Yalgado Amadi Konfé. Il estime que cela est certainement dû à un manque de communication. « Nous menons une campagne de communication pour faire comprendre à la population le bienfondé de cette forme de grève. Mais nous pensons qu’il faut l’améliorer toujours afin de se faire mieux comprendre », a-t-il indiqué avant d’ajouter que « cette forme de grève est plus bénéfique et plus gérable pour et par la population, sinon globalement le mot d’ordre est bien suivi. Le fait aussi de réduire le travail au minima est respecté », précise-t-il.

Le SYNTSHA a décrèté une opération caisses vides du 7 juin au 1er septembre 2019


Des difficultés dans la mise en œuvre de « l’opération caisses vides »
D’autres difficultés sont rencontrées par le syndicat dans la mise en œuvre de son mot d’ordre. En effet, selon les dires du secrétaire général, au service imagerie « il y’a certains collègues qui, non seulement ne sont pas partant pour le mouvement, mais ils sont agressifs, ils disent que sans reçu, pas d’examen ». Mais qu’à cela ne tienne, une chose est sûre, les intrants se font rares. Depuis le début de l’opération, il y’a eu une affluence à tel enseigne qu’en un temps record, il n’y avait plus de réactifs, a indiqué M. Konfé. Et l’un des dangers, explique-t-il, c’est que la population n’a plus accès au service d’aide au diagnostic. « Ils sont obligés d’aller le faire ailleurs parce qu’ici à Yalgado il n’y a pas de réactifs, pas qu’il y’en a pas, mais l’administration refuse de les donner », a-t-il laissé entendre. Un tour au service, le vendredi matin, du monde à craquer. Les patients viennent, se soignent puis repartent. Nous avons rencontré le Major Sawadogo pour comprendre la situation. « Effectivement aux premières heures du mouvement, il y’a eu rupture d’intrants, mais à ce jour tout est rentré dans l’ordre. Comme vous pouvez le constater, le service draine du monde », nous a-t-il indiqué. Selon des indiscrétions, un bilan aurait été fait par la direction de l’hôpital Yalgado. Et il ressort de ce bilan que la direction rencontre des difficultés depuis le lancement de l’opération caisse vide. Et il semblerait même que le mot d’ordre est suivi entre 50 à 66%.
Le travail réduit au minima à Bogodogo
Autre centre de santé, autre réalité. A l’hôpital de district de Bogodogo, le travail est réduit au minima. Presqu’impossible de trouver un médecin sur place pour se faire examiner. « Franchement ce n’est pas du tout intéressant cette situation, parce que si tu es dans l’urgence et que tu dois voir un médecin pour une prise en charge rapide, et que tu viens trouver que le médecin n’est pas là, ce n’est pas intéressant. Si l’Etat peut faire quelque chose rapidement, ce serait mieux », a lancé Issouf Sawaodogo, un patient avec un air bien triste. Un agent de santé que nous avons rencontré au service consultation, qui a voulu garder l’anonymat, témoigne : « A partir de 5 heures du matin, il y’a du monde. Aux vues du programme, on constate qu’il y’a beaucoup de médecins qui ne viendront pas. Donc je suis venu passer l’information aux patients. Ils sont repartis tous découragés. Nous demandons au gouvernement de faire beaucoup pardon et satisfaire les revendications du syndicat parce que nous même, ça ne nous fait pas plaisir ».
Un échec à Charles de Gaulle
Au centre universitaire Pédiatrie Charles De Gaules, à défaut de la gratuité des soins, l’opération caisse vide ne se fait pas trop sentir dans ce centre hospitalier. Le chef de service ‘’Dépense’’, Ema Zongo nous a rassuré de la mise en place d’un dispositif pour amoindrir l’impact de la mesure. « Le dispositif que nous avons mis en place est que nous avons mis des agents de recouvrement aux laboratoires, à l’imagerie, en consultation externe. Par la sensibilisation, on arrive à amener certains patients à payer », a-t-elle fait savoir. Tout porte à croire que le gouvernement tente, tant bien que mal, de tenir le coup, mais l’on se demande jusqu’à quand cela va durer. Le souhait de tous est qu’il y’ait un terrain d’entente entre le gouvernement et le syndicat car les effets de la mesure commencent déjà à laisser des stigmates sur le terrain.
« C’est de l’irresponsabilité, ce que font nos dirigeants »
Pour le SYNTSHA, la levée du mot d’ordre ne dépend que du gouvernement. « Le gouvernement est toujours dans le dilatoire. Ils font semblant d’être ouvert au dialogue, mais rien de tout cela. Sinon si le gouvernement vient avec des échéances précises, le mouvement sera levé », a indiqué M. Koné. Aux dernières nouvelles, selon un communiqué du bureau exécutif du SYNTSHA publié le 12 juillet 2019, il s’est tenue une rencontre le 11 juillet dernier entre le gouvernement et le SYNTSHA. Cette rencontre qui portait essentiellement sur le tableau de reversement dans la fonction publique hospitalière et une proposition de chronogramme de sa mise en œuvre, a accouché d’une souris, car il y’a eu aucun consensus sur les points échangés. Pour le SYNTSHA, il y’a un manque de volonté du gouvernement pour résoudre les préoccupations des agents de santé. Il est donc hors de question de faire lever le mot d’ordre, estime-t-il. « Il faut que la population sache qu’elle est notre principal partenaire. Nous ne sommes pas contre la population. La lutte que nous menons est une lutte citoyenne. Ce sont les dirigeants de notre pays qui n’assument pas leur responsabilité correctement, c’est de l’irresponsabilité totale. Nous invitons donc les populations à comprendre cela »
En rappel, les revendications du SYNTSHA tournent autour de deux grands points. Le Protocole d’accord et les logements. Le Protocole d’accord traite des conditions de travail, des carrières, de la lutte pour les libertés démocratiques et syndicales et la transparence dans la gestion de la chose publique.
Sié Alfred