Côte D’Ivoire: Ouverture du premier procès du massacre de Duékoué

Débuté depuis le mercredi 24 mars 2021, le procès des massacres de Duékoué se tient devant la Cour d’ Assises d’Abidjan. Sur le banc des accusés, se trouve Amadé Ouérémi qui comparaît seul pour répondre des exactions commises par lui durant la crise politique ivoirienne de 2010 à 2011 dans le pays.

Amadé Ouérémi, en treillis, a nié les faits qui lui sont reprochés

Il y a de cela dix ans, que la Côte d’Ivoire s’est retrouvée plongée dans une violente crise post-électorale, le 29 mars 2011. Durant cette période, la ville de Duékoué, dans l’ouest du pays, a été le théâtre d’un massacre par les milices pro-Ouattara, occasionnant plus de 800 morts, selon le Comité international de la Croix-Rouge. Depuis le mercredi 24 mars, un homme est jugé par le tribunal criminel d’Abidjan. Amadé Ouérémi, ancien bandit et trafiquant des montagnes de l’ouest, aurait prêté main forte aux ex-rebelles lors de la conquête de cette région en 2011. Arrêté depuis 2013, il est accusé d’être l’un des artisans de ce massacre de Duékoué.

Premier jour du procès

Selon le correspondant de RFI Pierre Pinto, il y a une vingtaine de chefs d’accusation retenus contre Amadé Oueremi : de « génocide » à « crimes de guerre » en passant par « assassinat », « viol », « attentat » ou « extorsion »…
À l’audience, toujours selon source, devant l’accusé le greffier a durant deux heures lu une longue litanie de témoignages décrivant la sauvagerie de ces violences de fin mars 2011 : les exécutions sommaires d’hommes, de vieillards et de garçons, les femmes et les filles violées, les maisons pillées et incendiées… Amadé Ouérémi est soupçonné d’avoir pris part activement à ces tueries avec ses hommes.

Son interrogatoire

Toujours selon P. Pinto, au cours de son interrogatoire, Amadé Ouérémi tente d’expliquer qu’il était sous les ordres d’un chef rebelle, le lieutenant Coulibaly, surnommé « Coul ». Pour autant, il se défend d’avoir participé aux massacres. « J’étais au village de Blodi. Je chargeais les munitions. Je ne suis arrivé que le lendemain de la libération de Duékoué, à 16 heures », raconte l’accusé selon RFI.

Durant tous les débats, à en croire RFI, Amadé Ouérémi se pose en petite main, sans homme sous ses ordres. Il défend toutefois l’opération contre le quartier Carrefour qui, selon lui, visait des miliciens pro-Gbagbo. « Mais qui a tué ces 817 personnes en une journée ? », insiste régulièrement le président. « C’est la guerre ! », répond une première fois l’accusé, qui désignera plus tard aussi les chasseurs dozos. A noter qu’une dizaine de témoins ont fait le déplacement de Duékoué pour ce procès, selon P. Pinto.

Deuxième jour du procès

Des propos rapportés par le correspondant de RFI Pierre Pinto, dès la reprise des débats, le président a posé une question claire à l’accusé : « Qui a donné l’ordre d’attaquer Carrefour ? », « C’est Losseni Fofana », répond Amadé Ouérémi, incriminant ainsi « Loss », l’un des principaux commandants de zone rebelles régnant sur l’Ouest, et qui aurait orchestré son arrestation en 2013. À la barre, Amadé Ouérémi réaffirme qu’il n’a pas participé aux tueries les 28 et 29 mars 2011. Il se défendra de n’être qu’un simple « élément » du groupe du lieutenant Coulibaly lui-même aux ordres de « Loss ».

Les témoignages le désigne comme un chef de milice

P. Pinto rapporte que les témoignages de la plupart des 11 témoins interrogés durant ce deuxième jour de procès, présentent Amadé Ouérémi comme un chef de milice craint depuis plusieurs années dans la région. De petit mécanicien, il s’est mue en un riche planteur et trafiquant redouté . Tous accusent ses hommes d’exactions à Carrefour fin mars 2011. Avant la guerre, « quand ses épouses sortaient en ville, elles étaient toujours escortées par plusieurs hommes armés », témoigne un pasteur dont le fils adolescent a été assassiné lors du massacre. Revenant sur les journées des 28 et 29 mars, un témoin affirme : « Je l’ai vu mener ses opérations en personne. Il avait quatre hommes pour le protéger. Je suis sûr que c’était lui ». Amadé Ouérémi dément encore.

A la fin de ce deuxième jour, rendez vous a été donné pour le mercredi 1er avril pour la suite du procès.

Roseline BADO