Crise ivoirienne de 2002: Que retenir 19 ans après le 19 septembre?

                

  

Le 19 septembre 2002, la Côte d’Ivoire se réveillait sous les bruits des bottes. C’était le début de la rébellion dite des Forces Nouvelles  (FN). Près de 20 ans après ces évènements, retour sur une des pages sombres de l’histoire de ce géant ouest africain.

Les premiers assauts, selon plusieurs sources concordantes, ont été lancés à l’aube du 19 septembre 2002, simultanément contre des casernes d’Abidjan et au nord du pays, précisément à Bouaké et à Korhogo. L’objectif de départ des assaillants était d’évincer du pouvoir le président ivoirien de l’époque,  Laurent Gbagbo. Ce plan échoue face à la résistance des forces loyalistes. Toute chose qui, aux dires des mêmes sources, contraint les assaillants à se replier au Nord du pays : c’est le début d’une rébellion qui va durer près de 10 ans. Très vite le Burkina Faso voisin  sera indexé d’avoir fourni de la logistique et du financement aux FN. Ce que Ouagadougou rejette en bloc. Les mobiles de ce soubresaut, de l’avis des experts, sont divers et multiformes.                     

Origines de la rébellion

En effet, après le règne du premier président Houphouët Boigny, de 1960 jusqu’à sa mort en 1993, c’est Henri Konan Bédié (HKB) son dauphin constitutionnel qui lui succède, à la tête de l’Etat. Ce dernier initie des réformes politiques et foncières qui vont s’avérer impopulaires, principalement auprès des ressortissants du septentrion du pays mais aussi des étrangers en provenance des pays limitrophes, qui, selon des données officielles de 1998, représentaient 26% de la population totale. Sur la base de la réforme politique, des candidats comme Alassane Dramane Ouattara (ADO) sont exclus des élections présidentielles de 1995. La réforme foncière va contribuer à exproprier des populations de surfaces agricoles au profit de ceux qui sont considérés comme les «vrais ivoiriens». Le 24 décembre 1999, HKB est renversé par le général Robert Guéï, qui dans une  moindre mesure, poursuit aussi les mêmes travers que son prédécesseur. Aux élections présidentielles de l’an 2000, des candidats  dont certains poids lourds se voient encore exclus de la compétition. La tension est à son paroxysme. A l’issue de ce scrutin, la contestation éclate et l’opposant Laurent Gbagbo du Front Populaire Ivoirien (FPI) en sort vainqueur. L’exclusion socio-politique et militaire, les différentes mesures jugées défavorables aux Nordistes vont servir de motifs à l’avènement de la rébellion le 19 septembre 2002. Essentiellement composés du Mouvement  patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), du Mouvement populaire ivoirien du Grand Ouest (MPIGO), du Mouvement pour la justice et la paix, les rebelles réunis au sein des FN, à en croire l’hebdomadaire Jeune Afrique dans sa livraison du 19 septembre 2016, avait plusieurs revendications. Entre autres ils «revendiquaient princialement le départ de Laurent Gbagbo, l’obtention de la nationalité ivoirienne par tous les habitants du pays, mais aussi et surtout l’arrêt de l’emploi de l’idéologie xénophobe de l’ivoirité….», d’après le journal.

    Des milliers de morts, un pays divisé

Au lendemain de ce coup de force, le pays est divisé en trois zones d’occupation, soit au nord les rebelles, au sud les forces loyalistes et au centre les forces d’interposition de la communauté internationale. Dans la foulée, des assassinats ciblés dont ceux de l’ex président Guéï, des ministres de la défense Lida Kouassi, de l’intérieur Emile Boga Doudou…sont signalés. De septembre 2002 à janvier 2003 plusieurs médiations dont celles de Linas Marcoussis, Accra (I, II et III), Lomé, Pretoria (I et II) etc., ont été entreprises mais leur mise en application était parfois remise en cause par les protagonistes. Au fil des années, l’idée d’une sortie de crise paraissait comme un leurre.  C’est finalement à Ouagadougou qu’un début de décrispation va se dessiner en 2007. En effet, durant plus d’un mois, soit du 5 février au 3 mars 2007, les acteurs majeurs de cette crise se rencontrent dans la capitale burkinabè pour des pourparlers avec le facilitateur Blaise Compaoré, le président burkinabè d’alors, actuellement en exil à Abidjan. Ainsi le 4 mars 2007, l’Accord politique de Ouagadougou (APO) est signé, d’une part par le président Laurent Gbagbo et d’autre part par Guillaume Soro, leader des FN et enfin par leur hôte. Cet accord avait pour but d’encadrer le processus électoral, le désarmement et la réunification du pays. C’est cette médiation qui a d’ailleurs permis l’organisation des élections présidentielles de novembre 2010 qui ont vu, après moult tractations, la victoire du président actuel ADO. Après la crise post-électorale de 2010-2011, une bonne partie des FN a intégré l’armée régulière ivoirienne. Dix neuf ans après ces malheureux événements qui ont coûté la vie à des milliers de personnes, les douleurs restent vives et le sujet suscite encore de l’engouement notamment sur les réseaux sociaux.

Abdoul Karim TAPSOBA (Stagiaire)