Si il y a un sujet qui a le plus défrayé la chronique ces derniers mois au Burkina, c’est celui dit de la mosquée de Panzani. A l’origine de cette affaire, c’est la destruction d’une mosquée érigée sur un terrain querellé à Panzani, dans un quartier périphérique de Ouagadougou. Cette destruction qui a suscité un tollé au sein des musulmans a connu son « épilogue » la semaine écoulée.
Le 7 septembre 2020, par voie d’huissier et conformément à une décision judiciaire du 10 juin de la même année, une mosquée est démolie à Panzani, un quartier situé à la sortie nord à l’arrondissement 9 de Ouagadougou. Cette destruction est le dénouement d’un long marathon judiciaire qui opposait Moussa Guigma (M.G), l’occupant des lieux au moment de la destruction et Jacques Ouedraogo (J.O), le propriétaire “légal”. En effet ce terrain litigieux, mesurant plus de 8.000 m² et sur lequel M.G avait déjà érigé des édifices religieux, était querellé par les deux hommes, chacun prétendant être le propriétaire légal. Portée devant les juridictions compétentes, cette affaire connaîtra une issue judiciaire: M.G est dépossédé du terrain au profit de J.O et du même coup, la justice ordonne la démolition des édifices déjà réalisés. Cette démolition opérée va susciter une avalanche de réactions parfois acerbes au sein de la communauté musulmane. Au lendemain de la démolition, soit le 17 septembre 2020, des jeunes se réclamant être des musulmans, au détour d’une conférence de presse, avaient fustigé cette décision judiciaire et proféré des menaces à peine voilées à l’encontre de l’huissier ayant procédé à la destruction. La tension montait, surtout que l’autre prétendant au terrain, J.O, semble appartenir à une autre confession religieuse. Le gouvernement burkinabè, mu certainement par le souci de prôner le vivre-ensemble, va prendre des mesures conservatoires pour dit-il «préserver la paix et la cohésion sociale» dans cette affaire qui prenait des proportions «inquiétantes». Le gouvernement, par la voix du porte-parole du gouvernement d’alors, Rémis Dandjinou, déclare en substance le 23 septembre 2020, que le gouvernement a demandé que lumière soit faite «quelqu’ en soit la situation». Par la suite, le gouvernement a décidé du retrait du terrain litigieux le 7 octobre 2020, terrain qui devenait par conséquent une «propriété de l’Etat».
Six mois après, alors qu’on croyait ce litige derrière nous, on assiste à un rebondissement spectaculaire. En effet dans un communiqué rendu officiel, le gouvernement burkinabè décidait de l’«expropriation pour cause d’utilité publique» de ce terrain, de son attribution à la FAIB (Fédération des Associations Islamiques du Burkina) pour usage confessionnel et enfin en guise de compensation, la cession d’un autre terrain à J.O considéré comme propriétaire légal selon le communiqué.
Cette décision gouvernementale va laisser pantois certains analystes. Les magistrats et les avocats du pays ont désapprouvé cette manière de faire du gouvernement. Même au sein des leaders musulmans, cette décision n’a pas fait l’unanimité. Ismael Tiendrebeogo, un jeune Imam très connu déclarait sur sa page facebook ceci: « Panzani: une décision qui interroge et me dérange». S’exprimant sur les ondes de la télé Bf1, Lionel Bilgo, un analyste, juge «très grave» la décision du gouvernement et affirme que les règles de droit ont été guillotinées au profit d’un arrangement belliqueux», ce qui peut ouvrir selon lui des «précédents très graves et très dangereux» pour l’avenir. Pour finir il interpelle le gouvernement à affirmer son autorité car pour lui «on ne dirige pas dans l’émotion mais dans la raison».
Cette affaire dite mosquée de Panzani n’a pas fini de livrer tous ses rebondissements mais l’on est en droit de se poser la question suivante: comment au nom d’un certain “souci de préservation de la paix”cohésion, l’Etat qui est le garant constitutionnel du respect de la règle édictée, vienne à «tordre le cou» à des décisions de justice? Cette façon de faire ne va-t-elle pas créer un ressentiment chez les autres confessions? Toute chose qui, à l’avenir, pourrait mettre en péril cette même cohésion que le gouvernement dit vouloir préserver actuellement.
Abdoul Karim TAPSOBA