Lettre du MATD à l’UNDD et au FPR : Un déni de démocratie et une persécution douce, selon Hermann Yaméogo et Aristide Ouédraogo

Hermann Yaméogo de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD) et Aristide Ouédraogo du Front patriotique pour le renouveau (FPR) ont animé une conférence de presse ce 02 avril 2021 à Ouagadougou, pour dénoncer publiquement ce qu’ils ont qualifié de manquements graves portant atteinte aux droits des partis politiques et à la démocratie du Burkina.

Une réaction à la correspondance que le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD) a adressée à chacun des présidents de deux partis politiques au sujet de leur déclaration d’appartenance à l’opposition politique, sans affiliation au chef de file de l’opposition politique. C’est le motif de la conférence de presse. Pourquoi nous adresser une correspondance pour nous rappeler ce que nous connaissons déjà, avec ampliation au CFOP? C’est l’interrogation des deux hommes politiques, Hermann Yaméogo et Aristide Ouédraogo, à la correspondance reçue du ministre en charge de l’Administration, Clément Pegdwendé Sawadogo, le 15 mars 2021. La correspondance, pour eux, rappelle en certains points que “le Chef de file de l’opposition politique (CFOP) demeure, aux termes de la loi, le seul interlocuteur légal de toute autorité administrative ou institution qui voudrait requérir l’avis ou la position de l’opposition politique sur une question donnée”, et “en définitive, toute déclaration écrite publique d’appartenance emporte une appartenance soit à l’opposition soit à la majorité”. Pour les deux conférenciers, “le fait, de la part du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, d’adresser directement des correspondances à certains partis politiques, l’UNDD et le FPR en l’occurrence, au simple regard de leurs déclarations d’appartenance sur leurs bords politiques, parce qu’ils ont juste précisé sincèrement et honnêtement qu’ils ne sont pas affiliés au CFOP dans le respect des textes, est perçu de notre part comme une tentative flagrante d’intimidation politique, une persécution douce, un déni de démocratie au sein de notre pays”. Pour le président Aristide Ouédraogo du FPR, la seule explication aux correspondances reçues, c’est parce que les deux partis refusent de s’affilier au CFOP. Il a indiqué qu’en politique, “les méthodes de pression ne sont jamais exponentielles, elles n’atteignent pas le niveau optimum d’un seul coup et évoluent de manière graduelle.

“Le CFOP est-il devenu un démembrement du ministère de l’administration territoriale”

On vous rappelle discrètement et très respectueusement à l’ordre et progressivement, suivant ce que vous ferez sur le terrain, on instaure d’autres moyens de pression”. Et de rappeler que les deux partis politiques sont républicains, respectueux des lois de la république, et il est du rôle de l’autorité de les rappeler à l’ordre s’ils ont fauté, ce qui n’est pas le cas.. Pourquoi l’autorité ne leur a-t-il pas adressé une lettre après les fêtes de fin d’année pour leur présenter des vœux ou les féliciter, s’interroge-t-il? Il se demande “quel intérêt l’administration publique a, à ce que tous les partis politiques s’alignent derrière le CFOP”? Hermann Yaméogo de l’UNDD a complété cette interrogation en confiant qu’avec cette correspondance reçue du ministre, ils sont fondés à se demander si le CFOP est brusquement devenu un démembrement du ministère de l’Administration territoriale? Pour lui, les interrogations et les questionnements relatifs à la correspondance du ministre sont légitimes, il appelle donc l’opinion publique à en tirer des leçons. Comme son co-conférencier, il ne comprend pas pourquoi la mention supplémentaire “non affilié au CFOP” doit leur valoir une correspondance de la part du ministre.

“ Une opposition qui vote la loi de finance…quitte l’opposition”

Avec quelle intention, et est-ce nécessaire pour un ministre qui a assez de travail à faire pour s’en passer, a-t-il insisté devant les journalistes ? “ Le système de contre-pouvoir doit être automatique, sinon il n’y a pas de démocratie”, a-t-il soutenu. Rappelant le contexte historique du pluralisme au Burkina, il a estimé que la guéguerre des origines se poursuit insidieusement. “On veut nous ramener insidieusement à la loi de 2009 et c’est ce qu’il faut clarifier”, a-t-il relevé, avant d’ajouter qu’une opposition qui vote la loi de finance du gouvernement ou vote pour un premier ministre quitte l’opposition politique. “L’histoire nous montre comment certains défenseurs du CFOP sont devenus des défenseurs du pouvoir”, assure-t-il. Et, à l’entendre, ce n’est pas nécessaire de prendre une plume pour emmerder qui que ce soit, tant qu’on n’est pas sorti du cadre règlementaire. A la question de savoir si le CFOP est manipulé par le pouvoir, les conférenciers ont dit qu’un regard rétrospectif donne des éléments de réponse à cette question d’un journaliste. Le CFOP dévitalise-t-il la démocratie? A cette question d’un journaliste qui a voulu savoir l’intime conviction des conférenciers, ces derniers ont presque botté en touche : “Nous sommes venus parler d’éléments factuels, l’intime conviction est laissée au juge”. Hermann Yaméogo et Aristide Ouédraogo ont réaffirmé leur refus public d’une quelconque affiliation à l’institution CFOP qui pourrait, de leur point de vue, mettre en péril l’opposition. “ Nous nous assumons dans ce sens, parce que nous croyons fermement que chaque entité doit rester indépendante dans son rôle républicain”. Au passage, ils ont déploré “le chômage couplé à une absence de perspective d’avenir pour la majorité des populations, le désagrégement du système éducatif, l’insécurité quasi permanente, la couverture sanitaire loin des attentes”. En démocratie, ont-ils fait mention, l’éveil, la veille citoyenne et l’engagement constant du peuple pour la gestion du bien public sont incontestablement des facteurs déterminants pour le développement et la stabilité du pays. Raison pour laquelle les deux hommes politiques ont appelé les populations à porter un regard analytique sur le milieu politique afin de savoir réellement qui fait quoi, qui prône quoi et pourquoi et qui est impliqué dans quoi.


Lonsani SANOGO