Niger : Mohamed Bazoum investi dans un contexte d’instabilité militaire et de terrorisme démultiplié

L’homme qui a co-fondé le PNDS, le parti au pouvoir, avec le président sortant, Mahamoudou Issoufou, en 1990, prend les rênes du pouvoir dans un contexte de double insécurité, à savoir la tentative de putsch manquée dans la nuit du 30 au 31 mars 2021 qui vient alourdir le climat dans les rangs de l’armée et les attaques terroristes qui se sont multipliées ces derniers temps sur le sol nigérien.

Le président nouvellement investi, Mohamed Bazoum

Le baptême de feu du nouveau président nigérien sera de gérer cette parenthèse trouble de la vie de l’armée intimement liée à celle de la nation, en ramenant la confiance et la sécurité dans l’exécutif militaire et en se posant comme chef suprême des armées du Niger. Cela est un impératif de survie et pour le nouveau pouvoir et pour la nation entière, dans la mesure où cette folie militaire putschiste s’est déclarée au moment même où les populations nigériennes dans bien des régions, Tillaberi notamment, sont confrontées de façon tragique à la pieuvre terroriste avec son lot quotidien de morts, de déplacés et de dégâts matériels importants. En sa qualité d’ancien ministre de la sécurité publique et de l M. Bazoum doit savoir à quel saint se vouer, lui qui a longtemps accompagné son prédécesseur dans la gestion du pouvoir d’Etat et qui a une expertise à faire valoir dans la lutte contre le terrorisme ou la lutte contre les putschs au Niger, en raison de sa participation à plusieurs gouvernements, n’est pas un novice en politique. Le putsch manqué a constitué une alerte utile qui lui a permis de sécuriser suffisamment la cérémonie de son investiture ce 02 avril 2021 en sa qualité de président de la république qui succède à son mentor Mahamadou Issoufou. Le ban et l’arrière ban de l’armée ainsi que la police et la gendarmerie ont été mobilisés pour la circonstance pour ne laisser planer aucun doute insécuritaire sur la plus solennelle des cérémonies à laquelle ont pris part d’ailleurs au moins dix chefs d’Etat de pays étrangers. Que se serait-il passé si le putsch manqué survenait le jour même de l’investiture du président fraîchement élu du Niger? Nul ne peut imaginer l’ampleur des probables dégâts, de la psychose et de la peur panique qui se seraient emparé des autorités, à tous les échelons du pouvoir, ainsi que des populations. Cela aurait créé une atmosphère nationale empreinte d’incertitudes, de craintes ou de psychose aggravées, rendant la vie de la nation bien plus invivable et donnant du même coup au nouveau chef de l’Etat le réflexe de recourir à des schémas de gouvernance peu démocratiques, dictés par l’urgence de la situation, avec le risque de mettre entre parenthèses bien des libertés chèrement acquises ou de s’attaquer à des droits acquis de haute lutte par les différentes composantes sociales du peuple nigérien. Et tout cela, si le pire n’arrivait pas, en l’occurrence la consommation du putsch.

Il faut espérer que le climat militaire s’apaise rapidement à Niamey

Dans ce cas, ce serait un immense gâchis et un terrible recul en arrière pour le Niger, devenu pourtant un exemple de démocratie dans la sous-région. A quelque chose, malheur est bon, sommes-nous tentés de dire. Le fait que le président sortant Issoufou ait résisté farouchement au virus du troisième mandat est en soi un acte distinctif de maturité politique et démocratique. Et cela, c’est tout le Niger qui en bénéficie globalement de la gouvernance démocratique et de la saine dévolution du pouvoir d’Etat par la voie des urnes. L’investiture s’est passée dans les conditions légales et de sécurité prévues. Place maintenant à l’action pour un président que certains Nigériens trouvent brutal dans ses méthodes de gestion des contestations, du temps où il était ministre. Il faut espérer que la double inquiétude militaire et terroriste ne serve pas de prétexte au nouveau président pour entamer son nouveau mandat dans un réflexe d’autoritarisme et de violations des droits et libertés consacrés par la Constitution. Si cela arrivait, il faudrait craindre pour son premier mandat et pour la sécurité du pays entier qui est en permanence dans le viseur des terroristes.
Lonsani SANOGO