Niger : Risque d’un troisième foyer djihadiste dans le sud-ouest

Les groupes djihadistes pourraient exploiter le banditisme violent venu du Nigeria et les tensions communautaires qui sévissent dans le sud-ouest du Niger pour asseoir leur influence. L’inquiétude a été posée par l’ONG International Crisis Group (ICG), dans son nouveau rapport intitulé “Sud-ouest du Niger : prévenir un nouveau front insurrectionnel”.

Dans le Sud-Ouest du Niger, les vols de troupeau et les kidnappings par des groupes de bandits armés ne cessent d’augmenter, rapporte l’ONG

Depuis quelques années, la région de Maradi, qui fait frontière avec l’Etat de Zamfara au Nigeria, subit des incursions régulières des gangs armés, qui volent du bétail et enlèvent des personnes contre paiement de rançons. Nombre de leurs membres sont mus par l’appât du gain, mais d’autres en particulier les nomades victimes de la crise du pastoralisme prennent les armes pour défendre leurs biens et leurs familles ou se venger d’injustices. En réaction, les autres communautés, notamment sédentaires, constituent des groupes d’autodéfense encore embryonnaires. La méfiance s’est donc installée au sein des communautés. Ce contexte porte en germe les conditions d’un contexte insurrectionnel que pourraient exploiter les jihadistes, a expliqué l’ONG ICG. 

L’aggravation de la crise du pastoralisme nourrit le recrutement du banditisme

L’aggravation de la crise du pastoralisme pourrait entraîner un troisième foyer djihadiste au sud-ouest du Niger

Le banditisme transfrontalier n’est pas un phénomène nouveau le long de la bande reliant Maradi à Doutchi. Cependant, il s’est aggravé avec la crise du pastoralisme. A en croire le rapport d’ ICG, l’extension des surfaces agricoles dans les régions de Tahoua, Maradi et Dosso réduit fortement les espaces dédiés à l’élevage, nourrit un phénomène d’appauvrissement progressif des pasteurs et entraîne des conflits avec d’autres usagers, en particulier les agriculteurs. Dans ce contexte, rejoindre des groupes de bandits est aussi une manière de faire face à la crise du pastoralisme, de se protéger soi-même contre le vol de bétail et parfois d’accéder à une position de pouvoir. Cette dynamique, déjà forte au Nigéria, s’étend désormais au Niger. Ce phénomène, a laissé entendre ICG, entraîne le risque qu’une insurrection, c’est-à-dire une hostilité ouverte et armée contre l’Etat, se développe est d’autant plus important que la région suscite l’intérêt croissant de groupes jihadistes venus du Sahel et du nord-est du Nigéria. La jonction entre jihadistes et bandits locaux a déjà été observée ailleurs au Sahel et pourrait se répéter dans cette zone.

Des recommandations

“Pour prévenir l’émergence d’insurrections dans cette zone, il est essentiel de réduire les injustices dont souffrent les pasteurs et de préserver la cohésion sociale.” a expliqué ICG. Pour ce faire, l’ONG a invité le nouveau président du Niger à faire de l’élevage un domaine d’intervention privilégié. Les pasteurs devraient notamment être mieux représentés au sein des commissions foncières et disposer de plus de relais pour défendre leurs droits. L’ONG a également préconisé l’encadrement des groupes d’autodéfense et l’établissement des dialogues communautaires tel qu’il a l’habitude de les promouvoir ailleurs au Niger. “Enfin, l’Etat doit accentuer les efforts de sécurité pour prévenir la contagion des violences, en particulier en renforçant la coopération avec les Etats frontaliers du Nigéria, sans exclure de négocier la démobilisation de certains groupes de bandits. Les partenaires du Niger doivent, de leur côté, s’intéresser à ces zones avant qu’elles ne soient déstabilisées et pourraient soutenir financièrement un plan de prévention conçu et mis en œuvre par les autorités nigériennes.”, a conclu ICG dans son rapport.

Line Rose